Mes Runs

L’Eurélienne du 6 au 8 avril 2018

Discrètement le beffroi de Pâques m’a sorti de ma douce léthargie hivernale. Le plantigrade bourru et acariâtre que j’suis, a quitté sa tanière avec douceur et mélancolie pour rejoindre l’appel de la forêt et celui des clabauderies du monde biker. L’était temps. Au contraire du grizzly et avec l’âge, en hiver j’fais d’la graisse et d’la panicule adipeuse que j’arrive plus à perdre. C’est l’choc des continents et du trou de la couche d’ozone, celui des supermarchés, enfin c’est c’que j’ai cru comprendre. Mais cela m’inquiète plus, j’ai passé l’cap. Et pis j’ai pas envie d’arrêter d’m’faire plaisir le crémeux. Un empâté c’est toujours généreux. Qu’on se le dise, à chacun son grivois.

Petit tour sur le forhum, y a une ballade de prévue vers Orléans, l’Eurélienne. C’est à moins de 500 bornes de mon alvéole, et pis y a des potes dans l’coin qui fabriquent de l’anisette et des autres que j’ai pas vu depuis la fonte des glaces. C’est un bon rituel pour brûler les lipides accumulés sur l’canapé d’la TNT. Les zorganes génitaux me démangent le cerveau en forme de phalus, par manque de bitume et de jolis ronrons de ma rossinante flamboyante. J’suis certain qu’y aura du beau monde qu’attende comme moi la réapparition des beaux jours et la fermentation des nouveaux breuvages. En plus j’connais les zorganisateurs, y vont s’tordre en quatre, y a pas d’lézards, c’est l’tiercé dans l’ordre assuré. J’m’inscris, on va y dégringoler à quatre Lorrains comme des mousquetaires avec les deux Dédé et l’Pat, que j’ai réussi à dessouder de sa moitié. C’est con un run quand tu t’inscris, faut attendre, tu peux pas partir tout d’suite, bin oui c’est pas encore ficelé. Alors t’as l’généreux qui fourmille et tu fais chier tout l’monde qu’est pas comme toi. C’est encore à cause de la couche d’ozone ou du déficit androgénique lié à l’âge. Littérature médicale ou paroles de bernardines converses.

En bons dignitaires, on décide de s’équiper de noreillettes et de parleurs à micro, afin de plus s’engueuler quand qu’on s’perd sur des petites routes sans panneaux. Ouais, ça arrive de temps en temps, même des fois souvent, enfin toujours quand qu’on roule à plus d’une personne. C’est la destinée d’un chevalier de l’route. C’est comme ça, y a pas d’explication, y pis ça fini toujours devant un verre, alors autant rester sobre. Non ! Alors on s’équipe chez les tongs et on achète les mêmes pour éviter les probs…Un mois qu’on a eu pour se connecter ensemble, mais on a fait ça sur le trottoir et on a perdu une demi-heure à se chicaner la gourmande et à se savonner comme des luthiers. J’entendais bien l’Dédé et sa femme qu’était pas raccordée à nos binious. On a réveillé tout l’quartier alors que nos brelons ne fredonnaient encore pas. Pendant deux kilomètres tout marchait bien, « tu m’entends bien – ouais j’ tentend – et toi tu m’entends – ouais j’tentend » et les 1100 bornes suivantes, le vide sidéral complet. Quant au GPS, t’avais l’impression qu’il te parlait dans un hygiaphone de la poste. Ou alors j’avais du mandarin avec l’accent du jura comme dialecte. J’ai vite abandonné. Les haut-parleurs m’ont court-circuité les membranes à force de m’appuyer dessus. Rien de tel que le téléguidage gestuel : gauche droite, pipi et soif, toutes les langues connaissent. Énervés et en retard, on a enfourché nos bécanes pour rejoindre le Vosgien qui devra nous attendre. 4 degrés qui faisait, mais on avait des armures appropriées garnies de damart de grand-môman et le ciel était limpide sans brouillance. On a bituminé à foison avec heures sup non payées. Tin que c’est bon de quitter la chaumière et d’aérer nos encéphalos. La stéréo de nos V-twin et le touché de l’entrecuisse de nos réservoirs nous transportaient au pinacle du bonheur. Encore de l’érection en vue à nos archaïques squelettes. Pas besoin de sono interne pour se dire qu’on était bien, ça se voyait comme un pif dans l’paf ou vice versa. On s’entre jouissait mutuellement comme des frangins. Le premier run de l’année doit s’ mériter, et pour nous, pas besoin de sortir du confessionnal pour avoir l’absolution, on était tout simplement heureux de vivre et de rouler la gueule au vent frais. Peace my friend. On a retrouvé l’Vosgien avec une plombe d’retard. Pour un non cloppeur, y fumait. Mais comme c’était l’heure de l’hostie, on a trouvé une gargote avec vue sur le parcage de nos bestiaux. Bière, buffet à volonté et paella (on aurait dû lire le topo à Cosette not gentille zorganizatrice). Mais quand qu’on aime !

Après la bombance on a recopulé nos destriers avec ardeur et dextérité en direction de Sens qu’on a voulu traverser par une tiote nationale qu’on a jamais trouvée. ¾ d’heure à tourner en rond pour usiner trois kilomètres. On a repris l’autobahn sur à peine 50 bornes et mon Dédé qui s’endormait nous a sorti de cette nasse afin d’expérimenter son new DomTom. Sauf qu’on s’éloignait de plus en plus de not destination et y voulait rien savoir l’bon Dédé. Quand on s’est retrouvé sur un chemin de cueillette à champignons légèrement tourbeux et jonché de trous d’obus de la guerre de 14, on a fait demi-tour pour voir un énorme cerf gros comme un bison à l’haleine acrimonieuse qui nous regardais avec envie. Du véridique et du vécu, y a que moi qui ai vu le wapiti. J’me demande si j’fais pas une démence caractérisée par un abus de saccharhum. En tout cas j’lai vu le cervidés. On a repris la route à barrières payantes qui s’ouvrent automatiquement, bin oui maintenant on met les badges à l’endroit dans la pochette. C’est con, mais c’est pas marqué dans la notice des voleurs d’autoroute, vu qu’il n’y en a pas….de manuel. Après Orléans qu’on a évité, 50 bornes dans l’Perche entouré de petites rivières et de lacs à poiscailles. En tout cas, région qui porte bien son nom et ce n’est pas un leurre. Sans presque pas beaucoup de difficulté, on s’est retrouvé devant le caravanage. Y avait le brave Thunder devant l’entrée, assis sur son Road King tout rouge, lui aussi d’ailleurs. Normal, il était là depuis l’matin au soleil, Cosette avait prévu qu’il ne se déshydrate pas. Un parasol aurait suffi, mais pas le même effet. En tout cas la classe, comme à un anniversaire de minos avec des ballons multicolores pour indiquer l’entrée. Mais moâ j’préfère l’Franck, au moins il dit, « c’est par là ». Sa charmante typesse nous a accueilli les bras chargés de kados : une lampe à led, un stylo, 50 gobelets estampillés anis du futur et la clé du palace. J’avais l’ 98 avec Lolo, l’Pierrot, les frères siamois Philou et Hervé et mon Dédé. Pour un coup les chalets étaient presque dans l’ordre, fallait juste trouver le 99 qui était à côté du mien, mais y avait pas de 97. Ha les archis de camping, les allées sont toujours en rond et se ressemblent toutes, et le plan est toujours devant la réception que tu trouves le jour où tu décanilles. On s’demande quand même s’il y a une raison. Bon les yourtes, toutes neuves, nickel chrome, rien à r’dire. J’connais un loueur de cabanons défraichis qui devrait prendre exemple. Aparté qui ne renvoie à aucune parlote de ma part. Un détail quand même, en bon voyageur que nous sommes, la première chose que nous faisons après avoir coupé nos montures c’est de vérifier le bon fonctionnement de la machine à boissons fraiches. Horreur la frigorifère était éteinte !!!! A six qu’on s’est mis. On a sorti l’outil de son emplacement pour voir s’il était branché, quand on sait que dans ce genre de structure, faut des doigts de fée, que nenni, désespoirs, la chambre froide était de plomb. Très, très longtemps après on a solutionné le chaos, il y avait un interrupteur dans les latrines à hauteur anormale qui était sur off. Ce doit être le même architecte qui construit les rues de camping. Une chouannerie qui pourrait te pourrir un week-end de rêve.

Bon le reste vous connaissez, des bises et des tapes dans l’dos, des verres qui se remplissent d’amitié et des glaçons qui vous réchauffent le cœur. Le bonheur à l’état pur, la camaraderie sans enrobage, du Brother Hood sans gavage. Mon médoc sans anesthésiant, j’en r’demande mes frangins. Les Orléanonais, les Bourguignons, les Jurassiens, les Parigots et autres régions qui ont changé de noms se pointe au 98. On dérape et on arrive en retard à l’apéro, le vrai. Re bises et tape dans l’dos avec les mêmes et les autres, on s’emmêle, on veut pas oublier de se saluer. Alors on recommence plusieurs fois et on renverse un peu nos rasades sur les bottes du frangin. La binocle tient bon la barre sur les flots de la confraternité. L’estime est au rendez-vous et fait bon effet. La Cosette nous congratule, l’Franck et l’Pat nous évite la restriction et nous portionne comme des dieux aidés par l’Philou avec ses breuvages anisés venus de temps lointains. Dieu que c’est bon ! A un moment on s’entend plus jacter, c’est signe de passer sur le guéridon des victuailles. Une immense paella faite maison et cuite sur place sur le madrier de la salle commune. Nos stomacs gorgés de liquide à températures différentes voulaient s’éponger. Ça tombait bien, il était l’heure de chipoter l’morceau. Et pour brouter on a englouti l’poêlon à la bouillabaisse espagnole, comme dans l’auberge. Cresson, fermage et pommé sur mandale de tartignolle ont assoupi nos jabots. Dans un coin de la cambuse se trouvait une table ronde d’un certain diamètre non moins conséquent. Le pupitre était recouvert, que dis-je, tapissé de bouteilles aux doux noms qui sonnent dans nos bulbes au réveil, venues de contrées reculées. T’avais pas la place pour poser ta fiole et te servir, sauf en fin de soirée ou tôt le matin. On a refait la route à l’envers, du coup rien inventé et pis on est allé se pioncer tranquillou. Sauf qu’il avait plein d’monde sur la terrasse du 98. Pas prévu ça ! hein ! alors rebelote et le dix de der c’est l’99 qui en remettait une couche avec un whisky du breton qui venait de s’envoyer le coin de son chalet. On a juste déplacé les chaises du 98 au 99 qui étaient dans le bon ordre. Sais pas si l’campinge a bien dormi c’te nuit. En tout cas y a eu de la voix portée et quand nos goulées ont cessé de carillonner, il y a eu beaucoup de fredonnements nasaux. La fatigue nous avait terrassée.

à suivre : les jours suivants du run

 

 

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