6 – The Beginnologue !
Canned Heat – On The Road Again(1968)
On a longé le littoral de la côte d’azur avec passage obligé à St Tropez. Depuis l’temps qu’on en entendait parler de cet écrin, avec le cinoche et autres baveux de l’époque. Même Actuel en avait fait un article élogieux, sur la pétanque et la populace du secteur qui œuvrait pour les Yéyés et la Set Jex Tampon. Nous on était en quête d’authenticité, mais pas du même engouement que la soi-disant nouvelle vague, alors on a dormi sur la plage de Tahiti, on aimait bien le nom qui faisait rêver. Et des rêves on en avait besoin. Dans un sac de couchage à même le sable, avec les étoiles en guise de couverture et loin du bord, because les marées qu’il n’y avait pas. On s’est raconté des menus imaginaires avec des frites, de la mayo et une entrecôte du chef saignante à souhait de trois centimètres d’épaisseur. Ça a vite dégénéré sur le sexe. En manque qu’on était coté calbute et surtout coté digestion. On n’risquait pas la crise de foie ! On a vérifié les besaces de nos princesses montées Michelin, tourné les clés de contact et on s’est dirigé vers Le Luc, Brignoles, toujours à la recherche de nos tables à jetons. Après Tourves la deuche de mon cousin a rendu l’âme. Un type en 203 décapotable verte s’est proposé de nous la racheter et nous a dit qu’on approchait des vendanges et qu’il y aurait du travail pour tous dans peu d’temps. Une aubaine, vu l’état de nos tirelires. En attendant fallait qu’on s’installe, il nous a proposé un champ d’oliviers appartenant soi-disant à sa famille, à la sortie ou l’entrée d’un beau petit village qu’était La Roquebrussanne. Le destin avait bien frappé, pour moi c’était ma guerre de 14, la bible de mon vécu, ma renaissance, mon développement …… Après ça, irrécupérable pour une majorité bien pensante. Avec le temps, j’peux dire que le hasard, quelques fois fait bien les choses et qu’il te façonne à la Léonard de Vinci. Merci m’man, j’t’ai pas tout dit, tu serais morte avant l’heure. Mais t’inquiète, j’ai jamais rien fait d’mal, même si tu m’a mis les képis aux fesses par amour. Une mère c’est comme ça, faut toujours qu’elle te ramène sous sa jupe. J’suis pareil avec mes niards et leurs progénitures. On n’est pas des géniteurs pour rien !
On est allés faire un tour dans le village histoire de s’faire connaître et aussi marquer notre zone d’action, on ne savait jamais comment les choses pouvaient évoluer. Au comptoir d’un des deux bastringues, le plus proche de notre cantonnement, on a lié connaissance avec un berger qui n’avait que deux brebis, un acharné du zinc. Puis dans la soirée avec presque tout le village qui nous appelait les zippies du grand Nord. Personne ne connaissait la Lorraine, trop loin, trop froid, trop boche. Quelques meufs sont venues nous indiquer des lieux de baignade et on s’est filé rencards pour le lendemain. Tout le monde nous a payé à boire. On n’a rien mangé, et on a eu du mal à retrouver notre chemin dans la nuit. Heureusement on avait fait le plein de clopes et de mégots dans l’boui-boui. Il nous restait des biscottes et de la mayo en tube qu’on a séché et fermé nos lourdes paupières. Le lendemain les filles, plus nombreuse étaient venues contempler les étrangers. Nous sympas, on a dit qu’on manquait de tout. Elles sont parties et revenues très vite avec de la victuaille prise dans les frigos de leur paternel. L’hospitalité dans l’sud c’est kèke chose ! On a tourné ainsi pas mal de temps. En plus elles nous ramenaient des couverts en argent avec lesquels notre dextérité était au comble pour la fabrique de bracelets qu’on vendait ou échangeait en ville. Du bonheur, soleil, baignades, veillées, BBQ chez les jolies tourterelles qu’on avait très bien apprivoisées. Sauf qu’un jour, les jeunes gars du cru, peu évolués nous ont cherché misère. On s’est défendus comme on a pu et on s’en ait fait des potes. Ambiance du moment, ils étaient juste envieux et craignaient nos chaines trouvées sur un chantier. Faut savoir se prémunir. Un matin, j’suis resté au camp pour surveiller nos affaires qui ne craignaient rien. Mon cousin et l’bassiste étaient allés chez l’épicier du coin, qui nous faisait crédit, chercher de quoi becqueter. Mais ils ne revenaient pas. Au bout de deux ou trois heures, ils sont arrivés accompagnés par deux pandores en tenue. Nos parents nous avaient fait rechercher et nous devions leur écrire. La mairie nous a offert, le papier, les crayons et les enveloppes timbrées. Quand tout le monde fut rassuré, l’heure de la fin des vacances approchait et comme on nous avait dit qu’à Puget-Ville un vigneron recherchait des vendangeurs. Le temps de lever le camp était venu et la horde a plié bagages pour une quinzaine de kilomètres avec une seule voiture.
Joel Daydé – Mamy Blue (1971)
Le viticulteur nous a pris tous les trois et j’ai même loué l’cabriolet, un franc par jour. Notre salaire était peu élevé, les cueilleurs avaient un peu moins que les porteurs. Mais on avait de quoi assurer à nous trois, sans compter les 7 litres de vins par jour, 2 pour les cueilleurs et 3 pour le porteur. On changeait de rôles chaque jour. Au début on revendait notre picrate et on mettait de l’eau dedans, mais plus après. On ne vendait plus rien et on buvait tout sans coupure. Le bivouac fut dressé dans la propriété, devant l’entrée sous les figuiers. Fallait attendre le bon jour. Le boss nous a fait une avance et on est allés s’acheter du vrai tabac en buvant une anisette à 50° en terrasse avec les cigales. La jouissance était à son comble, surtout qu’on avait encore de quoi s’acheter un bon steak pour le retour à nos tepees, sur le butagaz. Un jour le boss nous a dit, c’est pour demain les minos et pis vous n’avez qu’à vous installer dans le garage, au fond y a une tite piaule avec douche. On a enlevé le bleu Trigano de d’sous les manguiers.
Et un beau matin on a été réveillés à une heure qu’on savait plus que ca existait et on s’est retrouvés à plus de cent personnes avec beaucoup d’espagnols qui chantaient comme des pinsons. Waouh, que les grappes étaient basses et que les gars de la péninsule ibérique allaient vite. Bref on était complètement dépassés. A la pause de midi, on n’a pas bouffé, on a dormi sous les oliviers. Du pur bagne, fallait tenir le coup, pas évident. Le soir, dans la piaule on se massait mutuellement les reins avec du baume acheté chez l’apothicaire du coin le temps d’un 45 tour à la radio en écoutant Salut les Copains. Deux qui massaient et un qui s’la coulait douce, on changeait de tour à chaque chanson. Dans la bande des apprentis Bacchus il y avait trois taulards fraichement sortis pour bonne conduite. Un avocat véreux, un comptable algérien qui s’était tiré avec la caisse et un voleur de tableaux, ils avaient à peu près la cinquantaine et on n’a jamais su combien de temps ils étaient restés à l’ombre. En tout cas ils nous avaient à la bonne et personne ne nous cherchait des noises. On était les gamins qu’ils n’avaient pas eus ou pas vus. Avec eux, notre éducation de la vie c’est affiné. Surtout le week-end, on allait à Toulon dans le quartier du Chicago. Seul, c’était dangereux, avec les marins en goguette et les entremetteurs qui foulaient le cadam. Les filles payantes nous avaient à la bonne et nous faisaient des tarifs. De la pédagogie de bonne séance sans maladie intellectuelle. Du lave cerveau de haut vol, de l’absolution à tous les étages. J’ai bien aimé ces tranches et tronches de vie. De fil en aiguilles, c’est le cas de le dire, on a quitté le garage du viticulteur pour se louer une maison de 7 pièces pour cinquante balles par mois. On dormait dans la même pièce et on a gardé les chats qui étaient là avant nous. Le jour où on a emménagé c’était le jour de la mort à Jim Morrison.Triste nouvelle.
The Doors-Riders On The Storm (1971)
Nos trois bagnards nous avaient fait connaître à la sortie de Puget, un repère de oufs, style ancienne maison de passe au black. Avec des personnages hors du commun, surtout les filles de la maronne. J’y ai chanté et dansé des thèmes inconnus à mon répertoire. De la culture hors des sentiers battus. Et pis on s’faisait soigner nos doigts écorchés par les sécateurs dont le maniement commençait à devenir intuitif. Après les vendanges, on est restés pour ramasser les figues, les cerises et arracher les sarments de vigne.
Remarque qu’à l’Ouest, rien de nouveau se passait ; mais dans l’Sud j’y ai fait ma guerre de soldat volontaire sans bourrage de crâne.
du caviar ce récit; j’ai rajeuni de 45 ans d’un coup
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Thanks pitch
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Une autre époque ! C’est bien triste en comparaison maintenant. Faudrait pouvoir remonter le temps.
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Bin à chaque âge sa folie
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