partie 3 – Ha ! Chienne de Vie … – juin 2020

Toujours dans cet espace trop restreint, par manque de mes semblables, par manque d’attouchement, par manque de sensations qui agît sur mon état spirituel. Je suis toujours en confinement et je respecte la vie si précieuse de ma race. Je fume ma cigarette électronique et j’ai une légère tendance à la hausse à mettre le nez dans les boissons spiritueuses pour mon hygiène cutanée. Confine gars, confine Mr White Shirt, je suis effrayé et j’écoute à fond et en boucle Winston Macnuff remixé par des petits génies de la platine. Hein mon Nonan ! Pas envie non plus de rouler du V-Twin ou du trois feuilles. Quoique, allez savoir, je suis tellement menteur. Mon propre deux cylindres à combustion interne dérape. Maman on est quel jour de la semaine ? C’est la sentence actuelle. Faut sortir la tondeuse à gazon et désherber la vision des médias et du pouvoir en place. Ça cache keque chose disait Bashung. J’ai une profonde envie de faire la fête.

J’enfourne toujours mon produit phytosanitaire prescrit par Sorin. Toujours pas d’effets secondaires en apparence. Si ce n’est quand même une prédisposition au speed. Il doit y a avoir de la substance amphétaminée dedans. De la sympathicomimétrie comme ils disent, ce qui n’est pas pour me déplaire. Ne me demandez pas pourquoi j’aime cet état. La maladie ne me fait pas le guerre … pour l’instant. Je suis toujours en position de guerrier comme beaucoup de mes frangins du pain rassis, par extension.

Nombreux sont ceux qui m’appellent au téléphone pour prendre de mes nouvelles. Merci les compagnons, mes franciscains, mes intimes de la bonne vie et de la chair non moins fraîche. Je décide de commander le dernier Raoul Petite, histoire de participer à sa petite entreprise. Les Vieux Loups ne prennent que les chèques, alors je décide une expédition à la boîte aux lettres jaunie située à moins de cinq cents mètres de mon home. Casqué, enrubanné de mon foulard Harley avec la tête de mort bien en avant, ganté comme un pirate avec la missive en main je pars au combat. Je marche au milieu de la chaussée comme un brave, histoire de ne rien toucher. Les keufs se pointent, déguisés comme moi, merde je n’ai pas le laisser passer. La gestapo régionale ne m’a pas arrêté mais m’a salué de la mitaine aseptisée. En levant le poucier en signe d’amitié. Faut dire qu’il y a plus de combat dans la rue, pour l’instant. Fouidom ! Freedom ! J’ai mes patchs du savoir-faire de l’Entourloop. Le lendemain matin en début d’après-midi pour moi, mon futur habitant de famille, le compagnon de ma dernière couvée me dit qu’il vient d’installer et qu’il met en route son nouveau four à pizzas et me demande de passer commande. Celle qui consacre sa vie à mes côtés se propose d’aller chercher le précieux martellement composé de farine et d’eau à quelques cinq cents mètres de ma tanière. Et nous dégustons cette délicieuse croustade de midi vers les seize heures accompagnée d’un Rosé bien frais sous le soleil de ce début de Printemps. Du simple bonheur qui chatoie et étincelle l’absence de compagnie humaine. La panicule bien remplie, dans un silence naturel, je n’ai que la force de regarder les petits oiseaux qui reviennent dans notre cerisier en fleurs tout en finissant la bouteille à deux. On en ouvre une deuxième. Puis je laisse les loupes de côté, trop difficile de viser et de régler l’ustensile. La faune disparait trop vite, alors je repars dans mes songes de lutte interne. Il fait bon dans cette fausse paix. Je suis furtif de mon état physique. En regardant ce gibier à plumes, libre comme l’air pollué et indépendant, je me dis que notre pouvoir en place, aurait la hardiesse de vouloir nous imposer un traçage de nos activités via nos phones. Alors qu’avec un peu plus d’humilité et de clairvoyance « Ils » auraient peut-être pu faire face à cette nouvelle chimie et éviter cette pénurie de protection en tout genre. Après un mois d’isolement et d’interdiction de quitter notre environnement on glisse sur la mauvaise pente. Les intérêts financiers passent toujours avant les intérêts humains. Chienne de vie ! Moi je n’ai rien demandé, mais par où tu me fais passer. Faut que je reprenne un peu de recul et oublier un peu cette société. Je décide le lendemain de remettre en marche mon BBQ histoire de goûter cette nouvelle chair hachée et assaisonnée sous boyaux naturel. Puis je passe au karcher ma terrasse, mon nouveau lieu de villégiature sans pression extérieure, en apparence. Après quelques boissons fermentées à base de céréales, un alter ego, un biquet, un franco-belge qui habite au fin fond de la péninsule Ibérique m’a décoché avec sa guitare un joli message empli de poésie et d’amitié. Ce géant sombrero cordobès a quelque peu traduit les paroles à sa manière d’une chanson de Lucía Gil, « Volveremos a Brindar ». Puis c’est l’heure de l’apéro en visio, du Rub a Dub aromatisé, avec notre fécondation. Le fruit de notre amour, notre future génération. De la bonne semoule confinée qui reste présente et qui nous entoure mon épouse et moi. Alors on boit à défaut de faire la teuf ensemble. Partie remise ! On mate aussi leur propre semence, tin ça pousse vite. Les rejetons sont heureux comme tout avec leur ascendance présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Bin oui, moi aussi j’ai été élevé ainsi avec mes collatéraux.  On perd la trace de nos souches, de nos héritiers, l’échafaudage aurait tendance à s’effondrer. Faut rebâtir, reconstruire nos liens sociaux. Déjà dix mille morts en France depuis un mois d’infection mondiale. On a tous rendez-vous avec la faucheuse, j’entends le bruit que fait la pierre pour aiguiser l’outil.

Le lendemain veille de Pâques, je décide d’affronter les ouragans pour aller chercher des produits de première nécessité. Armé de mon étoile jaune en règle et contre signée, je me véhicule avec mon quatre-roues. Il me faut quelques centaines de mètres pour me remettre toutes les commandes en place. Pas grand monde sur la route et tous les véhicules sont sur les bonnes voies respectives, heureusement. Direction le Bricomarché du coin, j’avais besoin de peinture pour entretenir mes zones favorites de repos. Avec mon allure de martien caractérisée par le port d’effets chirurgicaux blancs et de gants synthétiques bleu azur, je fais la queue. Nous sommes une petite dizaine espacée tous les cinq mètres sans dépasser la ligne de convenance. Personne ne parle, because la buée sur les lunettes quand t’ouvre la bouche. On se salue en signe de reconnaissance. Mon tour arrive, tu ne rentres pas dans le magasin pour choisir l’outillage. Une pin-up serveuse, masquée en plexiglass avec des moufles étanches te demande ce dont tu as besoin. Elle plonge et disparait dans l’officine et revient avec le matos au bout de quelques instants. Du bonheur, tu payes sans rien toucher et t’enfournes le tout dans la voiture. Je pratique de la même façon pour la recharge en butane du BBQ et rentre illico dans mon nid douillet. J’ai de quoi m’occuper pour un long moment. Je range la pétrolette dans l’allée, passe par le garage, me déshabille et me désinfecte ainsi que la matière apportée du dehors. Seconde étape, ré oxygéner la machine à grillade et laisser le pot de peinture au soleil, histoire de désintégrer la faune étrangère. Avec ma belle on se gargarise de matières grasses grillées avec des frites maisons surgelées et un p’tit rosé frappé. Petite sieste réparatrice, c’est devenu une habitude, dans un hamac ramené de Guyane. Le temps coule doucement et j’entends battre mon cœur. Après cette fureur de repos bien mérité, il est temps d’œuvrer à des tâches pour remettre en marche toute cette musculature bien huilée. J’avais décidé de repeindre en lasure un banc et une table de jardin en bois. Matériels indispensables à une bonne vie de plein-air au soleil qui ne doit pas sentir des pieds. Un rivet récalcitrant m’empêchait de stabiliser la belle petite desserte. Alors je sors perceuse, forets, madrier etc … et j’entame la réparation au milieu de la pelouse fraîchement coupée du fourbi endommagé. La tête en bas, je force, je dérape, je coupe et cisaille la matière. Heureux je me relève et me remets dans une posture plus humaine. Je me retrouve ainsi debout, la perceuse dans les mains au milieu du pâquis avec la table aux quatre fers en l’air, et le cerveau complètement déconnecté. Des liaisons ne se font plus, court-circuit, plus de songes ni de mémoire, del étoile point étoile. Où suis-je, pourquoi j’ai cet instrument dans les mains, et tous ces forets par terre, mais qui a retourné la table. Je me retourne, mais pourquoi le BBQ est sorti sur la terrasse ? C’est flippant quand même cette aventure, j’ai plus d’archives ni de repaire. Perdu la chronologie de mes souvenirs, help intérieurement. C’est la préhistoire de ma postérité, hé il y a du monde ici, je me crie en dedans ! Aucune anecdote à réciter. Black-out complet, difficulté à réfléchir. J’entends du bruit à l’étage supérieur, c’est ma femme qui passe l’aspirateur. Je me dirige vers elle et l’appelle machinalement par son prénom. Elle descend et je lui demande ce que je fais avec cet outil. Je ne sais pas, t’es en train de bricoler au fond du jardin, me rétorque-t-elle gentiment. Aucun souvenir ne refait surface, je lui demande quand est-ce que l’on mange ? Mais on a déjà mangé, tu as fait un BBQ, tu ne te rappelles pas ? Le saucissonnage et les pommes frites refont surface doucement. Mais on n’avait plus de gaz ? Tu es allé en chercher au magasin avec de la peinture. Tout doucement elle me parle de ma journée avec gentillesse et recolle petit à petit les morceaux de ma trouée, et la connexion se remet en place. La soudure en apparence ne s’échappe plus. Alors je remets tout en place intérieurement de l’aube à l’aurore, et je récapitule sans cesse cette satanée journée. Je note et gribouille mes précieux moments de vie au cas où mon cerveau excentrique me priverait de mes propres manifestations journalières. Un petit message à Sorin parti en week-end Pascal bien mérité. Il a réussi à me trouver une auscultation par résonnance magnétique la semaine prochaine. C’est sa secrétaire qui m’a appelé, moi je ne voulais pas y aller dans ce nid infecté par le made in China. Coup de fil à mon cardio, qui lui me dit « T’as fait un ictus amnésique », je te conseille de vérifier la mécanique et de continuer tes prises de résiné. Un ictus, j’pensais que c’était une plante aquatique et en regardant sur le wiki de mon ordi, j’ai vu que c’était plutôt une algue inconnue qui attaque le cérébral et qui peut laisser des séquelles. Encore un pèlerinage pas prévu. Je vais donc repartir en voyage vers ces endroits qui soignent la raison et qui vont tranquilliser ma compagne. Je décide de me reposer, encore, vers ce canapé aux paysages inconnus en écoutant quelques bons sons. J’ai les boules, et si c’était le « tue bactéries » ce pesticide qui infecte mon mortel. Je me sers un Jack bien tassé et retourne sur la terrasse où l’objet de mon désespoir a refait surface et pose mon verre dessus. L’ensemble tient bon, la réparation a été efficace, c’est déjà ça de rassurant. Don’t Forget Man. Mon chat vient d’attaquer un petit merle et se fait courser par les parents. La vie reprend le dessus. L’oisillon mourra un peu plus tard dans la haie protectrice.

I smoke a cigaret, non électronique cette fois, mais beaucoup plus décontractante. Movement of Jah People et je retrouve mes racines perdues. Je ne suis plus effrayé, j’ai repris le contrôle. Le lendemain je retrouve trois anciens collègues avec qui je travaillais quand nous avions immigré en Guyane. Merci les réseaux sociaux, le tissu qui relie les labyrinthes de la vie. De très bons moments refont surface en anabolisant ce putain d’ictus. La chasse, la pèche, les carbets, la bouf chinoise et la Belle Cabresse, ce rhum chargé de l’exotisme de la Guyane. Deux de ces amis bossent encore en métropole et je suis pressé de les revoir. Une belle lueur de coucher de soleil sur une plage connue quand je vivais en communauté m’attend. Au loin quelques barques dans la pénombre invitent au voyage, celui de l’amitié. Thank you, gracias amigo ! Le troisième frangin est comme moi en arrêt de carrière pour cause de longue activité au service du prochain. Prend soin de toi mon Riton et tous les deux avec les quelques centaines de kilomètres qui nous séparent, nous la vaincrons cette saloperie vernaculaire ambiguë. Alors on vit sans soleil inventé dans cette atmosphère cloîtrée et masquée. Difficile de retrouver du piment dans ce confinement imposé et obligé. J’écoute seul le piaillement des zoziaux qui reviennent dans les arbres. Seul, j’erre dans mon espace minimalisé et je bois et je fume et j’avale mes pilules et j’attends. Misère, on ne voit pas l’ennemi mais il est présent. Alors je m’habitue et les autres vivent ailleurs, plus d’orgasme. Je vie en ermite avec mes références et toujours cette envie d’hurler. Puis sans relâche par les entrelacs du social, j’ai un appel par message privé. Une connaissance qui remonte à plusieurs dizaines d’années, à l’époque où je filmais les premières courses de dragsters en Lorraine, au début des années 80. La Grenouille, je t’avais complètement zappé de ma mémoire. On a passé deux bonnes heures à se raconter notre guerre de 14-18. Toi aussi tu en a eu des défauts de parcours en touchant le bas-côté et en te blessant le flanc. Mais tu es revenu et ta gentillesse me touche et me donne du baume au cœur et de l’espérance. Buena suerte mi hermano (bonne chance à toi mon frère). Déjà un mois de passé en compagnie de ma femme, sans sortir pour humer la vie au dehors avec mes semblables. Je récupère tous mes points de la feuille rose, la blague de Pâques que nous passons seuls et isolés sans agneau confit à la cuillère. Je fabrique maintenant mon pain, ça occupe et je reprends la zécriture à des heures indues en écoutant de la note bleue, en sirotant et en fumant de l’enivrant. Plus la peine de cacher son malheur. L’Manu, not bon président sort de l’ombre et nous signale qu’il va rebeurrer la tartine pour un mois supplémentaire. La sortie est peut-être prévue pour le 11 mai. Satan tu peux apparaître juste une minute, va y avoir du conflit dans les abattoirs ou dans la salle à manger, si tu en a une. Le week-end passe avec une lenteur rapide et le lendemain j’ai rendez-vous pour une analyse de mon hémoglobine. C’est ma troisième ou quatrième sortie, j’ai oublié le décompte. A la fabrique de plasma, je suis seul avec tout l’attirail de protection y compris les lunettes qui sont recouvertes de buée. Les saltimbanques de la paillasse, elles sont trois, derrière leur plexi, elles n’ont aucun protectorat sauf la préposée au phone qui porte un cache sexe au menton. Je ne dis rien, mais les voir manipuler la sève rouge des précédents patients me glace. On m’appelle et c’est la belle téléphoniste qui doit me soudoyer. Je lui demande si elle a une petite culotte. Elle me sourit en se demandant ce que lui veut bien ce vieux. Quand même me dit-elle. Alors mettez la sur votre nez et nettoyez-vous les mimines avec un préservatif sur les doigts. Elle s’exécute et me saigne l’avant-bras. J’aurai une cocarde pendant quatre jours pour plaisanterie malsaine. Elle me dit vous pouvez sortir, je retoque OK, mais vous m’ouvrez toutes les portes du caveau jusqu’à mon carrosse et je n’ai pas pris l’ordonnance polluée. J’ai envoyé un mel à la patronne de la cambuse en lui disant que sa station-service laissait à désirer et que je voulais récupérer mes effets personnels via la poste. Du coup je change de remisage. Mon pote alsacien me dit qu’il faut s’armer … de patience, notre heure n’est pas encore venue. Mon tempérament déborde de mes pensées. Les leucocytes continuent à grimper. Je découvre la voix de Malik Djoudi et son morceau Tempérament, la Bose est branchée en permanence. Ma pipe électronique connectée au secteur avec un verre de whisky. La rage de l’écriture me reprend, ce n’est plus moi mais mon univers qui prend le dessus. Ma réalité sort de mon corps et s’exprime comme une note de blues, alors je prends des notes dans mon petit carnet brun. Et je confine, et on s’isole avec l’amour de ma vie. Heureusement sa présence me stabilise, même si je la sens très fragile en ce moment. On dort mal, nos enfants et petits-enfants nous manquent énormément. Je mets le casque sur les oreilles et dans ma playlist il y a encore Winston Mcanuff avec Mr White Shirt et The Barbaz Orchestra et d’autres scintillements acoustiques qui font du bien et qui délassent tous les muscles de mon corps. La vie sociale commence à nous manquer. Les terrasses, les petits restos sympas, les concerts, la médiathèque, alors je tonds la pelouse et fabrique mon pain. On picole de plus en plus. Visio-apéro ce soir avec deux couples de bikers de Bourgogne et mon Dédé. Chacun remet sa tournée, on gueule dans l’hygiaphone, même le voisin nous répond. Il y a de l’arachide et des chips sur le clavier du mac. Faudra soigner nos gammas GT. Ce lundi j’ai rendez-vous pour un IRM, l’Ictus doit être surveillé. Il y du monde sur l’autoroute et sur les parkings de supermarché. La relâche arrive à grand pas. A l’hosto tu montres patte blanche, masque et il a de la javel à paume de main. Aussitôt l’inspection du cortex, je suis éjecté sans recevoir les résultats. Ils arriveront quinze jours après avec comme traduction : pas de séquelles, le patient peut continuer à vivre. Humour ! Mais qu’en sera-t-il si les mesures autoritaires comme le confinement devraient durer ou se renouveler ? La vie avant les libertés ! Il faudrait bien que nous sculptions les charpentes d’une nouvelle société et c’est cette charpente qu’il nous faut rebâtir aujourd’hui. C’est la responsabilité de chacun vis-à-vis du collectif et inversement (Giorgio Agamben). Quelques jours passent et je converse avec mon ancien président du cercle généalogique, un vieux gradé en retraite, sur bien des points nous nous rejoignons. Cela fait du bien, des esprits différents mais semblables, contradiction de la pensée et reconstruction du chemin. Le soir de nouveau une visio-apéro et on se retourne les sangs dans le bon sens. La nuit est calme et les étoiles brillent. Je suis né à côté d’une usine à tuyaux en fonte et j’habite du côté de la Pierre au Jô sur les hauteurs non loin d’un champ de bataille de la première guerre mondiale. Il y fait bon près de ce menhir, sérénité et amour de ma compagne honorent mon quotidien et me protège des intrusions. Je suis né du bon côté de la rivière et maintenant ma vie s’écoule doucement. J’écoute Key West de Dylan en boucle et j’ai toujours des rêves de liberté. Je suis né du côté de Pontam et j’habite sur les hauteurs près d’un menhir.

Déjà deux mois d’isolement, retiré de mes homologues. Mes congénères de la tambouille me manquent. J’suis pas fait pour vivre ainsi et toujours : vous avez vos papiers, circulez, rentrez chez vous. Mon pote laveur de vitres me rend visite avec son Can Am et nous trinquons à l’amitié et à la fraternité. Nos références sont les mêmes, frangin pour la vie et comme il dit toujours « On se reverra chez Lucifer ». Une vieille connaissance me retrouve via les réseaux sociaux et nous passons une partie de la nuit à débattre et à ergoter des traversines et des croisillons de nos pairs. Hein mon Fred, t’as intérêt à vérifier ta colonne de direction si tu ne veux pas qu’on te torde le cou. Mais qu’est que ça fait du bien de picorer le verbe.

Le grand prêtre de la République lève une partie des interdictions, faut travailler les gars et remonter le royaume. Nous on ne bouge pas et on en remet une couche. Pas confiance du tout surtout que mes analyses ont de bons résultats mais je me choppe des vertiges. C’est les effets secondaires de l’herbicide, je défane et une de mes chevilles prend l’eau, la gauche. Nous avons repris les longues promenades en forêt avec pique-nique, barbecue à bois portable en inox, breuvage des coteaux bien frais et du pain fabriqué maison. Nous partons après le petit déjeuner pantagruel vers les onze heures du matin. On n’arrive pas plutôt. La nature est belle et j’ai mon matériel photographique avec moi. Sur les quinze heures, affamés, à l’ombre d’un grand chêne, la table est mise et le fumet du lard qui cuit nous émoustille de tous côtés. Une vie simple et pleine de séduction nous entoure, nous charme et nous fait oublier les préoccupations qui nous empoisonnent. Nous habitons sur les hauteurs près d’un menhir qui ressemble à l’autel à Jupiter, c’est notre ligne d’horizon. Pas de sacrifice, les étoiles du guide Michelin sont dans le ciel et il est possible de les conserver indéfiniment. On peut y mourir sur ce lieu de culte. Pouvoir temporel et pouvoir spirituel sont notre monarchie. Gourou du plaisir simple, sans maître à penser, regarde, hume, largue les amarres c’est du bon blues. Oh mon amour, encore, encore et encore. Nous levons leur mascarade de nous-même, c’est le onze ou douze juin, je regagne mon rade avec les déguisements et m’attable à distance respectable. Tin, la vie est revenue, les fourmis déboulent de partout. Consommation et regards de plaisance, pas de bises ni d’attouchements, tout est dans le regard et l’attitude. La gestapo du coin vérifie le bon déroulement. Première gorgée, c’est comme un flux de notes de saxophone avec de longues échappées de Strato. Encore, encore, j’aime et je t’aime de diou. La basse arrive suivi d’un solo de batterie, patron un autre. Je coule de plaisir et je ne suis pas le seul. Les éthylos vont grimper au Nirvana. Le moment présent a un avantage sur les autres : il nous appartient (Charles Caleb Colton). Le plus grand des voyageurs est celui qui a su faire une fois le tour de soi-même (Confucius). C’est ma révolutionne ! Ma belle compagne on ira où tu veux et dans tes bras de velours, pour moi, c’est le plus beau des voyages.

Le week-end suivant, nos trois bergères, leurs légitimes et leurs oisillons nous rejoignent pour le premier rassemblement at home depuis trois mois. Provisions de bouche en tout genre, solides et liquides. Saveur, exhalation, arôme, Move It – Move It, We are the best. Le sun nous accompagne, j’adore. La famille se passionne ensemble, c’est la frénésie de l’instant, l’emballement et la chaleur de l’esprit. On est bien, tout simplement. Près du Menhir ancestral, les appétits sont aiguisés de joie et de plaisir. Avec les tous petits et les grands-parents nous cueillons des cerises juteuses, un verre à la main pour certains. On est loin des tropiques, on ne vit plus dans le passé, on oublie l’angoisse du futur, nous sommes dans la beauté du présent. Tout le monde s’émerveille d’un caillou ou d’un escargot. Légèreté et insouciance sont au menu près du Menhir. La bestiole asiatique est passablement oubliée. Go Home Covid.

Le jour de la fête de la musique arrive. Le temps est idéal, on se dirige vers un petit village à une quinzaine de kilomètres de chez nous. J’avais déjà réduit la voilure et renoncer à avancer à couvert. Avec ma femme en milieu de journée, le temps était propice à la décontraction et à l’euphorie. Superbe journée que nous avons vécue sous une légère brise et des divertissements qui nous ont délecté. Endroit magique, merci Mélanie, Crick, Ernesto et Mari On, René pour ces désirs oubliés. Une journée de grâce et de ravissement qui nous a transporté. Le retour en soirée, la tête chargée de belles pensées, de notes bleues et d’effluves en tout genre nous ont bercé toute la nuit. Un pinson a élu domicile dans notre jardin et surveille son territoire. La vie a repris de plus belle. Des mésanges ont accaparé un vieux prunier à moitié mort et je passe beaucoup de temps à les observer et à les photographier en écoutant le dernier Dylan dont la poésie me submerge. Je repasse un électro cardiogramme, tout est revenu à la normal. Le bib ne comprend pas, moi si. Demain des frangins viennent avec leurs bécanes et leurs régulières  pour quatre ou cinq jours de fiesta. Les voisins vont encore râler après nous.

J’habite sur les hauteurs près d’un menhir et ma ligne d’horizon est infinie.

20 réflexions sur “partie 3 – Ha ! Chienne de Vie … – juin 2020

  1. jovial kabu (comme le Port salut mais en plus goutu)

    Ahhhh je lis avec retard ta dernière prod’, je te trouve plus sérieux, moins facétieux, les effets du confin’ ? Rien ne nous sera épargné, des hamsters en cage, heureusement que les petites souris et vieux bikers ont pu passer entre les mailles pour quelques virées virtuelles ou réelles entre gens de belle et bonne compagnie. Ouf on re-respire. Tu nous fais partager quelques lampées et sons magiques, alors permet moi de te faire découvrir (ou peut être redécouvrir) ce philosophe, poète, rêveur et génial écrivain http://autofictif.blogspot.com. Je te salue avec toute mon affection. Jovial Kabu.

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  2. Blaise

    C’est ainsi que les hommes vivent…

    Poète « réaliste, » philosophe et épicurien, au fil de la narration de ton quotidien de ces trois derniers mois, de l’expression de ton ressenti au fil des jours, nous dévoilant tes sentiments et ton intimité sans fard, tu nous donnes une leçon et nous rappelles un fondamental : la vie, c’est ici et maintenant. Sois en remercié.

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  3. Boulou

    Je te lit depuis mon lit d’hôpital ou cette chinoiserie à failli m’ôter la vie (17 jours de comas pour le vaincre). Mais je suis toujours là et content de te lire. Prend bien soins de toi et de tes proches, la vie est trop courte pour la gaspiller.

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  4. MME COLETTE

    Ravie de vous lire. Plus de retenue dans ce texte, ce n’est pas pour me déplaire, la tristesse de ces mois de confinement a été bonne pour la réflexion, désolée de lire que la maladie n’est pas tendre avec vous, ce qui est souvent le cas. Moi, c’est la thyroïde qui me fait des misères depuis 9 mois, on ne peut pas vieillir sans rien du tout, notre corps s’use, le cerveau aussi, dommage ! Notre Pierrot s’en retape bien. A bientôt pour une nouvelle lecture, Amicalement.

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